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En coucher de soleil
Y’en a, avec des services et des patients. Là, c’était pas vraiment le cas.
A la dernière consultation, une jeune fille est arrivée. Vingt ans ? Moins ? Jolie. Visiblement préoccupée par ses problèmes de dos, ou d’estomac, ou de mal de tête, je ne sais plus. Avec un gosse sur la hanche, tenu dans son grand tissu. 8-9 mois, à vue de nez.
J’ai un souci avec les enfants, je me sens obligée de capter leur regard et de leur sourire ou de leur faire des grimaces et de discuter plus avec eux qu’avec leurs parents. C’est pas très professionnel dans le contexte. Puis bon, c’est gênant passé un certain âge, quoi. Ca fait rire les parents, mais sortie de l’hôpital, dans le métro, au restaurant, je dois probablement passer pour une débile légère. Heureusement que je fais ce boulot, ça me donne une bonne excuse.
Vous voyez un coucher de soleil sur la mer ? Le cercle parfait que fait le soleil qui descend doucement sur l’eau. Ca doit être l’expression la plus imagée de l’histoire de la médecine, le « regard en coucher de soleil ».
Toujours de mon côté de la table, toujours sans rien dire, mon stylo à la main et mon bloc d’ordonnance à côté, je cherche les autres signes du cortège. Ok, ils sont tous là : la fontanelle bombée à craquer et les os du haut du crâne qui doivent commencer à se trouver à l’étroit. Ah, et puis il trémule des quatre membres aussi. Chouette.
Je tremble et je cherche mes mots. Je ne sais pas quoi faire. J’essaie de demander : « Depuis combien de temps ? Comment ça « quoi » ? Depuis quand il est comme ça ? Oui, le petit ! Ah non il va pas bien non. Vous voyez, là, il ne répond pas, là. Eeeeh non. Et c’est grave. Ah oui, je vous promets. Non, je ne suis pas en train de vous mentir, son cerveau souffre, là ! »
Le soir, en revenant dans la maison du groupe, on avait l’électricité, un peu d’eau, beaucoup à manger et même quelques bouteilles à se partager. De la musique.
Cet article, publié dans Africa, est tagué Afrique, hydrocéphalie, pédiatrie. Ajoutez ce permalien à vos favoris.
magnifique….
Frissons dans le dos, comme sur Brel.
Ce qui n’est pas un petit compliment.
… …. +1 …
poignant
Danser, boire, serrer ses amis si fort dans ses bras… Pour lutter contre ce sentiment d’impuissance et d’inutilité.
Merci
Vivre, mourir, guérir… que vous soyez puissants ou misérables… Soigner n’a pas tout à fait le même sens ici et là-bas. Merci de nous aider à ne pas l’oublier. Dansons…
Et il t’a fallu un an pour le raconter.
N’est-ce pas toujours pour la même raison que les gens dansent, finalement, médecins ou non ?
+1 sans voix …
La médecine dans notre société actuelle ne peut rien contre la misère. On est tous bon pour se choper une bonne dépression et danser jusqu’à pas d’heure…ou pas.
Première fois que je passe sur ce blog, pointé par un twit de Jaddo. J’ajoute.
C’est triste de voir à quel point ils sont démunis.
Je me souviens de mon séjour au Cameroun, 1 an à N’gaoundéré, en 1992, j’avais 20 ans.
Pour situer la ville, c’est légèrement au dessus du centre du Cameroun, il y a une route de 300km de goudron à trous vers le nord pour Garoua, une piste de 700km vers le sud pour Yaoundé. Pas de quoi s’acheter un jean ou une brosse à dents. Mais leurs brochettes de zébu étaient délicieuses :)
J’ai très vite visité l’un des hôpitaux, tenu par des missionnaires de l’église évangélique luthérienne, d’abord comme patient (couper du pain au couteau à surgelés en regardant ailleurs est une mauvaise idée, j’en garde la cicatrice), puis pour aller acheter ma dose de Nivaquine lors du changement de saison. J’ai vite sympathisé avec ces missionnaires, des gens bons, gentils, pratiquement tous d’Europe du nord (suédois, finlandais, norvégiens). Je faisais mes devoirs le matin, et allais passer l’après-midi avec eux, ajoutant un peu de main d’oeuvre gratuite à l’hôpital. N’étant pas du monde médical, j’étais une paire de bras. Mais je me sentais utile.
Et j’ai également constaté le décalage avec notre monde.
Les médicaments donnés à l’unité, les patients sans argent qui repartent avec les matelas ou couvertures, l’incompréhension dans leur yeux quand on leur montre un mannequin homme avec un sexe en érection pour leur expliquer la façon d’utiliser un préservatif.
Côté personnel médical, quand on est habitué à certaines conditions d’hygiène et d’asepsie, c’est étrange. Par exemple l’infirmier qui sort une lame de cutter de sa poche pour couper mon fil de suture qui ne voulait pas se résorber. Le même fil avait servi à ligaturer 2 vaisseaux dans mon index, j’ai préféré les enlever moi-même, avec le même matériel, mais passé à la flamme d’un briquet.
A l’arrière, c’était pas mieux. On recevait des containers de matériel en tout genre, très souvent des Etats-Unis, c’était chaque fois la surprise. Médicaments souvent périmés qu’on conservait quand même, en les triant par date de péremption, objets dont on ne connaissait absolument pas l’utilité[1], appareils pas très utiles dans le contexte (des fauteuils roulants, dans un village sans aucune route goudronnée mais avec des nids de poule absolument partout, village qui se transforme en pataugeoire géante 6 mois sur 12), et quand même quelques dons bienvenus comme des béquilles, compresses, pansements, bandages, scalpels, et plein d’objets dont je ne connais pas les noms mais qu’on voit tous régulièrement à l’hôpital.
Cet hôpital « privé » fonctionnait mieux que celui payé par l’état.
J’espère que vous avez quand même gardé un bon souvenir de votre séjour.
[1] je me rappelle de dizaines de cartons remplis d’un objet dont même les médecins ignoraient l’utilité, vous pourrez peut-être m’expliquer? Imaginez un long tube en plastique souple et fin, tout en longueur, plus long qu’un bras, plus court qu’une jambe, d’un diamètre d’environ 15/20cm, fermé d’un côté, comme un sac. Plastique souple, qu’on peut retrousser facilement, et garni sur l’une des faces (interne ou externe, personne n’en savait rien) d’une sorte de moumoute, comme ce qu’on pouvait voir pour garnir les volants de voiture dans les années 70. Ces objets se compactaient facilement, occupant un volume d’environ 1/3 de l.
Magnifique. Merci pour ce récit plein d’émotion et de réalité
La mère Teresa (en Inde) disait que la plus grande souffrance était celle d’un être que personne ne regardait, à qui personne n’adressait même un seul regard, quelqu’un qui crève là tout seul…. je sais c’est surement trop peu mais toi , tu l’as aimé ce gamin , au moins un instant!
pfioouuuu….. oui, danser, chanter, rire… médecins, soignants ou tout-un-chacun…c’est salutaire…
Trés émouvant. Merci pour ce billet
Très beau récit petite Marie…
Jolie histoire.
joyeuses fêtes de fin d’année
émotion d’un immense petit instant, souvenir plus que conséquent : la vie est hélas faite de ces intemporalités dissonantes, tourneboulantes …
Merci de nous donner la mesure, l’humilité vous ayant précédé, la danse libératrice.
joyeuses pâques
Salut, je ne sais pas si tu passes encore sur ton blog de temps en temps… Mais juste au cas où!
Je suis une future D4 qui rêve de partir en « mission » humanitaire afin d’enfin voir autre chose que la bibliothèque universitaire de ma Fac (j’exagère surement un peu…), comme une envie de m’aérer et de m’ouvrir l’esprit à la fin des ECN…
Je commence à me renseigner et j’aimerais donc savoir avec quel organisme tu as pu partir, si tu as des conseils ou des bon plans à me donner (si j’ai bien compris, MSF, Médecins du monde il faut que j’oublie, trop jeune!).
Enfin voila, je te pose cette question car ton récit m’a beaucoup touché et m’a conforté dans mon idée, merci pour ces récits venus d’ailleurs!
We need more intsihgs like this in this thread.
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